Qui parle des impôts locaux ?

MUNICIPALES. -- Les taxes pour les communes et les communautés de communes n'en finissent pas d'augmenter. Les effectifs des administrations locales aussi

:Dominique Richard




Ce n'est pas un sujet que les candidats aux municipales abordent facilement. Et pour cause. Le chiffre claque comme une gifle. Entre 2001 et 2007, les prélèvements fiscaux des 36 700 communes et 19 000 groupements intercommunaux ont cru de 46 %. Pratiquement cinq fois le taux de l'inflation sur la même période ! Les contribuables déboursent désormais annuellement 16 milliards d'euros de plus qu'il y a six ans. « Toutes collectivités locales confondues (Régions, Départements, intercommunalités et communes), les effectifs progressent en moyenne de 2 % par an. Cela représente entre 30 000 et 40 000 personnes », souligne René Dosière, député apparenté PS de l'Aisne et spécialiste des comptes publics (1).




Embonpoint. Entre 1994 et 2004, la fonction publique territoriale a pris un sérieux embonpoint, passant de 1,46 million à 1,77 million de salariés. 200 000 de ces 300 000 nouveaux emplois ont été créés à part égales par les communes et l'intercommunalité, les Départements absorbant l'essentiel du reste. Près de vingt-cinq ans après les lois de décentralisation, les administrations locales enflent encore à vue d'?il alors que la plupart des services de l'État n'ont pas véritablement entamé de cure d'amaigrissement.


Les compétences ont été déléguées sans que le partage des rôles entre Paris et la province ainsi qu'entre les différentes collectivités locales ne soit clairement défini. Conséquence, le mille-feuille administratif multiplie les « doublons » et génère des gaspillages incessants de fonds publics. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), un tiers seulement de la hausse des dépenses des collectivités locales entre 1980 et 2006 s'explique par les transferts de compétences liés aux lois de décentralisation.



Superpositions. L'impact des 35 heures, le renforcement ou la création de services dans le cadre de nouvelles attributions ont certes pesé sur les effectifs. Mais ils n'expliquent pas tout. Et surtout pas cette incapacité à lutter contre la superposition des lieux de décision. « Chaque collectivité souhaite renforcer ses domaines d'intervention au motif qu'auparavant, l'État le faisait mal avec un personnel insuffisant, souligne René Dosière. Cela fait des bureaux, des secrétaires, des voitures en plus sans qu'aucune évaluation ne soit faite des véritables besoins. »
L'apparition en 1999 d'une strate supplémentaire, l'intercommunalité, n'a fait qu'aggraver l'imbroglio. Dotées de compétences nouvelles en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique, les structures intercommunales ont bénéficié d'un gros coup de pouce financier. L'État a doublé ses dotations et réorienté en leur faveur les recettes de la taxe professionnelle. Résultat : près de 90 % des communes se sont regroupées.



Absence de gain financier. Mais, alors que l'intercommunalité ponctionne 8 milliards d'euros d'impôts de plus qu'en 2001, l'objectif initial qui consistait à proposer des prestations de meilleure qualité à moindre coût a été quelque peu perdu de vue. Souvent, les transferts de compétences n'ont pas donné lieu aux mutations prévues des personnels. Communes et communautés de communes ont continué à embaucher parallèlement.
Censés disparaître, les syndicats intercommunaux manifestent aujourd'hui une grande résistance. Il en existe encore 10 000. « Il est rarement possible de mettre en évidence un gain financier lié à l'intercommunalité » relevait en 2005 avec le sens de litote qui les caractérisent les magistrats de la Cour des comptes en 2005. Soucieux de leurs prérogatives, les élus ne font trop souvent vivre l'intercommunalité qu'en fonction des subventions promises. Cet empilement souvent illisible de dispositifs et de territoires tire la pression fiscale vers des niveaux de moins en moins supportables. « La France est un pays fertile. On y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts. » Le théorème de l'ancien président du Conseil Georges Clemenceau n'est pas le moins du monde démodé.


(1) Voir La Commune et ses finances, de René Dosière. Éditions du Moniteur. Publication dans le courant du mois de mars.

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